
Une interview par Denise Silber, VRforHealth, avec Julia Scott, Directrice du Laboratoire de Soins du Cerveau et de la Mémoire de l’Université de Santa Clara et Responsable Exécutive de MedXRSI.
« Nous devons construire nos systèmes pour nous assurer que nos droits sont protégés sur toutes les plateformes, physiques et virtuelles. » Julia Scott for MedXRSI
VRforHealth informe les acteurs de la santé à propos des utilisations validées et sures de bien-être et thérapeutiques de la réalité virtuelle. X Reality Safety Intelligence (XRSI), dont le siège est aux États-Unis, est une organisation à but non lucratif mondiale qui promeut la confidentialité, la sécurité et l’éthique dans les environnements immersifs, y compris la réalité virtuelle. Leur mission est « d’aider à construire des expériences sûres et inclusives » en découvrant de nouveaux risques en matière de cybersécurité, de confidentialité et d’éthique, et en proposant des solutions potentielles pour les atténuer. Après avoir déjà présenté XRSI à la communauté VRforHealth lors d’une interview avec Valentino Megale, co-fondatrice de VRforHealth, Denise Silber vous invite à découvrir Julia A. Scott et la structure (XRSI) qu’elle a rejoint en tant que Responsable Exécutive du Conseil Consultatif Médical XR (MedXRSI) en 2023.
DS : Vous êtes la Directrice du Laboratoire de Soins du Cerveau et de la Mémoire de l’Université de Santa Clara. Comment en êtes-vous venue à vous spécialiser dans ce domaine ?
JS : Cela a été le fruit de la rencontre entre mes expériences et la curiosité de toute une vie. J’adore la neuroscience. Que la masse d’un kilo et demi, cette substance dite grise, dans nos têtes contrôle parfaitement chacune de nos pensées et actions me fascine. Après deux décennies passées à étudier les mécanismes et les problèmes de notre cerveau, j’ai commencé à être un peu désillusionnée par le but de ces études, ces articles et ces instituts. En même temps, l’éducation de mes enfants jeunes me posait des problèmes. J’ai rejoint l’Université de Santa Clara (SCU) dans le département de Bioingénierie. À SCU, il y a une solide base en ingénierie et un nouveau studio de réalité virtuelle venait d’ouvrir. Face au défi d’élever un enfant qui n’était pas bien servi par les systèmes éducatifs et de santé et curieuse des possibilités de la réalité virtuelle, j’ai décidé de changer d’orientation dans le cadre de mes recherches, passant de l’étude des problèmes à la création de solutions. J’ai construit un programme de recherche axé sur la neurotechnologie et la réalité virtuelle, dans le cadre du Programme d’Innovation et de Design en Santé, qui sert de hub pour les partenariats entre l’industrie, les enseignants et les étudiants.
DS : Comment avez-vous été mise en relation avec XRSI et en quoi votre rôle chez XRSI complète-t-il vos responsabilités à l’Université de Santa Clara ?
JS : Kavya Pearlman, PDG de XRSI, m’a contactée par l’intermédiaire de relations mutuelles pour le rôle de responsable, en raison de la nature de mes recherches et de leur lien avec la mission de MedXRSI. Le Conseil Consultatif Médical XR (MedXRSI) est dédié à favoriser l’innovation responsable, à assurer la sécurité humaine et à promouvoir le bien-être dans le domaine des technologies immersives et de leur intersection avec la santé. MedXRSI avait besoin de quelqu’un capable de mobiliser le conseil autour d’initiatives spécifiques, d’apporter une approche équilibrée pour peser les avis et d’effectuer une analyse critique de la recherche connexe. Kavya a vu que mon expérience en recherche en neurosciences et ma spécialisation dans les technologies émergentes me positionnaient potentiellement en tant que responsable de MedXRSI. L’Université de Santa Clara est également un partenaire pertinent pour le Conseil. Le Markkula Center for Applied Ethics avait déjà été consulté pour son expertise internationale dans la santé, la technologie et l’éthique. Un ancien membre, chirurgien et expert en bioéthique de l’IA, a rejoint le conseil. Récemment, le centre a publié « L’éthique à l’ère des technologies perturbatrices : une feuille de route opérationnelle« , qui sert de guide aux dirigeants d’organisations pour utiliser de manière responsable les technologies émergentes. Le travail avec XRSI est complémentaire aux activités et à la mission de l’Université de Santa Clara dans les domaines de la communication et de l’informatique.
DS : Quels sont les objectifs en 2023 de XRSI Medical Council ?
JS : Nous nous concentrons sur l’impact concret Il y a tant de bruit dans l’écosystème XR; nous travaillons silencieusement pour combler le vide. Chaque fois que l’occasion se présente, nous agissons comme une cloche qui sonne clairement et qui attire l’attention de l’industrie avec un objectif clair d’aider à construire un écosystème Medical XR digne de confiance et sûr. Ce que nous avons entendu de la communauté des utilisateurs et des créateurs d’applications Medical XR, c’est le besoin de directives concrètes sur la manière d’utiliser et de concevoir des systèmes en toute sécurité. C’est donc là que se porte actuellement notre attention, à travers ces trois projets :
1° Normes de Base pour la Sécurité des Patients dans le Metaverse : Créer des directives orientées vers les utilisateurs sur la sécurité et la confidentialité à associer aux applications XR médicales et à diffuser publiquement.
2° Guide de Développement (Cadre de Confidentialité et de Sécurité MedXR) : Élargir le cadre général pour englober les considérations nécessaires aux applications XR médicales et aux plates-formes Metaverse.
3° Étude de Cas d’Utilisation pour l’Écosystème XR Médical : Synthétiser un rapport en deux parties pour les contextes grand public et clinique, basé sur des enquêtes, des entretiens et des études de cas avec des organisations, des utilisateurs et des développeurs.
DS : XRSI vise à éduquer et à protéger le public en ce qui concerne la confidentialité des données de santé ou la qualité et la sécurité des applications XR. Comment XRSI envisage-t-elle sa relation avec les organismes gouvernementaux pertinents au niveau national et international ?
JS : XRSI collabore avec des organisations gouvernementales du monde entier pour sensibiliser aux risques et aux opportunités de ces technologies. XRSI sert également de conseiller pour les organisations en fonction de leurs besoins spécifiques. MedXRSI a travaillé avec la Food and Drug Administration des États-Unis (FDA) sur les bases des lignes directrices réglementaires pour les logiciels XR en tant que dispositifs médicaux. Le National Health Services du Royaume-Uni (NHS-UK) est membre clé du conseil depuis le début, et nous travaillons aux côtés du NHS de nombreuses manières, notamment l’échange de recherches et le développement stratégique pour l’éducation des patients et l’orientation des développeurs. Les relations de confiance que nous avons nouées au fil des ans ont conduit plusieurs pays et leurs décideurs politiques à solliciter nos contributions. Nous avons l’intention d’informer et d’éduquer les dirigeants pour contribuer à la mise en place de protections qui garantiront la sécurité du public et favoriseront la confiance à mesure que ces nouvelles technologies deviendront la norme.
DS : Vous devez suivre de près les informations sur la réduction de l’âge minimum requis de 13 à 10 ans pour l’utilisation des casques VR Meta Quest. Qu’en pensez-vous en tant que neuroscientifique préoccupée par la confidentialité ? Je ne parle pas des courtes sessions supervisées à des fins cliniques ou éducatives.
JS : Nous avons beaucoup réfléchi à ce changement qui a précédé l’annonce de l’arrivée de Roblox sur Quest. Plusieurs dimensions méritent d’être mises en avant, comme cela a également été capturé dans une analyse récente que nous avons publiée. Tout d’abord, la différence de développement de nos systèmes sensorimoteurs de 10 à 13 ans. Les enfants plus jeunes ont plus de mal à s’orienter dans des espaces virtuels car leur intégration visuelle et vestibulaire n’est pas aussi mature. Nous ne savons pas encore quelles seront les implications sur la vision avec une utilisation prolongée. Nous constatons déjà une accélération de l’apparition de la myopie due à l’utilisation de l’écran.
Plus profondément que le sens, il y a la perception de la réalité. La RV est un puissant outil de simulation qui nous fait sentir que nous sommes présents et incarnés, et non pas des observateurs ancrés dans le monde physique. Un utilisateur de RV doit avoir le contrôle de haut en bas de ses systèmes d’attention et l’expérience de vie pour discerner pleinement les souvenirs formés dans un espace simulé et non. Savons-nous que les enfants de dix ans du monde entier sont prêts pour ce type de défi ? Que se passera-t-il lorsque les enfants de cet âge transféreront leur temps passé sur Roblox, qui représente en moyenne plusieurs heures par jour, vers un casque de RV ? Comment les interactions entre les utilisateurs seront-elles modérées pour éviter les dommages psychologiques dans une expérience incarnée ? Meta répond à ces préoccupations en déléguant le consentement, la supervision, la responsabilité de la gouvernance et les contrôles de sécurité aux parents et aux tuteurs. Roblox n’a pas encore commenté publiquement ces préoccupations. Sur la base des recherches actuelles de l’Initiative de Sécurité Infantile de XRSI, une approche plus équilibrée, un déploiement prudent de plates-formes axées sur les enfants et une éducation approfondie des parents sont nécessaires à mesure que ces changements se produisent. Il nous faudrait un cadre qui garantisse la confiance et la protection des enfants dans ces plates-formes et systèmes puissants, similaire à celui développé par l’Initiative de Sécurité Infantile de XRSI, appelé le Cadre Guardian and Shield (XRSI-GSF).
DS : Qu’est-ce qui vous réjouit dans le champ de la réalité virtuelle et la santé ?
JS : Il y a tellement de raisons de célébrer la RV et la santé. La réalité augmentée et la réalité virtuelle transforment la physiothérapie et la rééducation. Ce n’est pas seulement une question d’efficacité et d’engagement. Ces plates-formes produisent des effets qui ne pouvaient pas être observés avec les pratiques ou les médicaments traditionnels. Au cœur de toutes ces applications, il y a la puissance de la RV pour influencer notre attention et nos perceptions et de nous « tromper ». Plusieurs entreprises ont mis sur le marché des produits soutenus par des recherches et atteignent davantage de patients.
En ce qui concerne le développement de mesures de protection, je constate que plusieurs gouvernements et l’ONU travaillent à anticiper l’accélération des neurotechnologies et d’autres capteurs biométriques dans notre vie quotidienne. Le Chili a introduit une législation sur les droits neurologiques, et l’ONU a sollicité des propositions sur l’impact des neurotechnologies en interagissant avec des technologies telles que la XR et l’IA. Je suis encouragée par la prévoyance dont font preuve les organisations mondiales et le public à l’égard de ce sujet, et je suis fière d’avoir contribué à l’un des comités consultatifs de l’ONU sur les droits de l’homme et les neurotechnologies. Notre relation avec la technologie est une relation de dépendance. Nous devons construire nos systèmes pour garantir que nos droits sont protégés sur toutes les plates-formes, au-delà de l’usage médical, qu’il s’agisse de plates-formes physiques ou virtuelles.