Entretien entre le Dr Rafael Grossmann et Denise Silber
Rafael J. Grossmann Zamora, MD, FACS, est immigrant aux Etats-Unis, chirurgien, éducateur, conférencier, défenseur des patients, futuriste de la santé et (rappelons-le) immigrant. Originaire de Caracas au Venezuela, Rafael a été résident en chirurgie à Ann Arbor, MI, États-Unis. Après une formation de chirurgien généraliste, il a déménagé dans le Maine aux Etats-Unis, où il est chirurgien à plein temps. Attiré par le pouvoir paradoxal de la technologie pour rendre plus facile l’humanisation des soins médicaux, le Dr Grossmann a été le premier à utiliser Google Glass en salle d’opération. Il se tient au courant non seulement des nouvelles applications, mais aussi des innovations dans le matériel.
DS En tant que chirurgien et futuriste de la santé, vous avez suivi le développement des casques de réalité virtuelle au fur et à mesure de leur arrivée sur le marché. Pouvez-vous nous décrire certaines de vos premières expériences ?
RG Si nous commençons par l’histoire récente des casques de RV, le premier à mentionner serait Google Cardboard, la visionneuse en carton dépliable dans laquelle vous pouvez insérer un smartphone. C’était en 2014. Son lancement a suscité un certain enthousiasme, mais Cardboard ne fournissait pas une expérience totalement immersive, et son intérêt a diminué à mesure que d’autres produits arrivaient sur le marché.
Le Samsung Gear a été lancé fin 2015, grâce à une collaboration avec Oculus que je mentionnerai plus tard. Le Samsung Gear était conçu pour fonctionner avec le smartphone Samsung Galaxy. Samsung a développé successivement plusieurs modèles, mais a mis fin à son investissement dans les casques de RV à l’automne 2020, il y a quelques semaines à peine.
Oculus Rift a été lancé en 2016. Si l’expérience immersive était meilleure, ce casque avait encore des contraintes importantes. Il fallait être connecté par un long câble pour avoir une expérience mobile, et les capteurs devaient être devant vous, à environ un mètre de distance.
Le HTC Vive, concurrent direct de l’Oculus Rift, a également été lancé en 2016. L’Oculus Rift et le HTC Vive étaient tous deux immersifs, mais ils étaient tous les deux attachés, lourds et il était fréquent de ressentir des nausées et des vertiges qui limitaient le temps que l’on pouvait passer à porter ces casques.
DS Et maintenant, nous avons la deuxième génération de casques…
RG En effet, avec le lancement d’Oculus Go au milieu de 2018, l’expérience est bien différente. Le Go est complètement détaché. Le détail, le champ de vision ou la quantité de votre vision que couvre le casque, le taux de rafraîchissement sont considérablement améliorés pour un appareil mobile. Nous avons une vision à 360 ° et la qualité audio est assez bonne. Il est assez bien adapté à la relaxation et à la méditation, et démocratise l’accès grâce à un prix d’entrée de gamme abordable.
L’Oculus Quest est sorti en mai 2019. Au début, le Quest n’était pas compatible avec les applications Oculus existantes. Puis la société a développé un câble, l’Oculus Link, pour connecter le casque et l’ordinateur à ces applications.
L’Oculus Quest 2, lancé à la mi-octobre, reçoit de très bonnes critiques. Avec 500 grammes, il est plus léger que l’Oculus d’origine, et l’utilisateur peut ajuster la distance entre ses pupilles. Il a également un meilleur son, un meilleur taux de rafraîchissement et une meilleure autonomie de batterie.
DS Que pensez-vous de l’exigence de Quest que l’utilisateur ait un compte Facebook?
Je déteste cette exigence. Je n’avais jamais eu de compte Facebook et je n’en ai créé un que pour pouvoir utiliser ce modèle.
DS Et le casque de RV finlandais, le Varjo ? Vous l’avez essayé.
J’ai essayé les Varjo 1, 2 et XR1 dont j’ai fait la démonstration lors de ma conférence à la FDA cette année. La définition est incroyable. Si vous voyez un brin d’herbe dans le vent, vous croyez vraiment que vous y êtes. Cependant, ce casque est attaché et son prix ne permet pas, pour le moment, d’en faire un produit de grande consommation. Pourtant, il n’y a pas de meilleur casque de RV.
Une de mes meilleures expériences en RV a été quand j’ai collaboré avec Varjo à la démonstration d’une simulation chirurgicale en salle d’opération. Je portais simultanément les capteurs iMotion qui détectaient mon niveau de stress par la GSR (résistance galvanique de la peau) et par ma fréquence cardiaque. L’objectif était de comparer l’état physiologique d’un chirurgien plus expérimenté à celui d’un chirurgien inexpérimenté lorsqu’il opère en RV. C’était un peu surréaliste. Je suppose que c’est ce que signifie vraiment le mot VIRTUEL.
DS Qu’en est-il de l’haptique, comme les gants de RV avec capteurs ?
À part les manettes Oculus Touch, avec technologie de suivi infrarouge, qui sont bien sûr assez connues, il y a plusieurs produits à mentionner.
Le SenseGlove des Pays-Bas a été développé pour faciliter la rééducation après AVC. L’utilisateur interagit avec un environnement numérique, à travers ces gants, qui « ressentent » les représentations numériques comme si elles étaient réelles.
FundamentalVR a développé des scénarios de simulation chirurgicale incluant des fonctionnalités haptiques qui peuvent changer le paysage de la simulation.
La Tesla suit, une combinaison corps entier pour les expériences physiques de réalité virtuelle, fournit un retour haptique et capture à la fois le mouvement et la biométrie. La technologie est basée sur une stimulation neuro-musculaire.
OVR est une solution qui ajoute à l’expérience de RV un stimulus olfactif. Il viendra bientôt un moment où l’expérience de RV mettra en jeu tous les sens, exactement comme dans la science-fiction.
DS L’hygiène, bien sûr, est essentielle en ce qui concerne le matériel, et pas seulement au cours d’une pandémie.
RG Oui en effet. J’ai dans mon bureau une unité Cleanbox Tech. Cette technologie semble être une norme pour la désinfection des casques de RV.
DS Vous êtes enthousiasmé par l’ouverture de la FDA aux nouvelles technologies.
Oui. Alors que la pandémie nous pousse à utiliser de nouvelles technologies, je vois la FDA devenir plus ouverte aux nouvelles technologies. Je suis optimiste sur le fait que nous verrons une accélération du lancement d’outils numériques de santé, avec des cas d’utilisation réelle, et dont le modèle économique aura du sens.
DS Et vous êtes un enthousiaste de VRforHealth.
La RV offre un nouvel outil passionnant et efficace à l’arsenal du chirurgien, une solution éprouvée basée sur l’utilisation intelligente de la technologie au profit de l’humanité. C’est la Santé Digitale telle qu’elle doit être ! Je suis donc bien sûr optimiste quand je vois des initiatives comme la vôtre, VRforHealth, qui facilitent et accélèrent l’accès des professionnels et des patients à des informations de qualité sur les technologies immersives.