Parcours d’un psychologue new-yorkais vers la Realité Virtuelle au bénéfice de patients souffrant de phobies

VRforHealth présente ici Howard Gurr, psychologue installé dans l’État de New York et qui utilise le traitement par Réalité Virtuelle pour aider ses patients à surmonter phobies et angoisses. Cette méthode apporte un gain de temps considérable. Depuis le début de la pandémie, Howard Gurr met ces techniques en oeuvre à distance. Il a également créé un « Annuaire international des thérapeutes en RV » pour aider les thérapeutes de même discipline à s’adresser mutuellement leurs patients.

Denise Silber : Vous vous intéressez à la RV thérapeutique depuis ses débuts aux États-Unis. Comment avez-vous commencé?

Howard Gurr : Je me suis intéressé à l’utilisation thérapeutique de la réalité virtuelle il y a plus de 20 ans, avant que des programmes pour praticiens individuels ne soient disponibles. À l’époque, j’étais à la fois praticien privé et en fonction comme psychologue scolaire, concerné par l’aide d’enfants ayant des problèmes d’apprentissage. Le Dr Skip Rizzo avait développé un environnement virtuel, une salle de classe pour enfants atteints d’un déficit pathologique de l’attention. Sa classe exposait l’enfant à des distractions et le programme mesurait donc l’attention de l’enfant ; malheureusement, ce programme n’était pas disponible à ce moment-là. Ensuite je me suis intéressé à l’utilisation de la réalité virtuelle pour traiter, dans leurs propres bureaux, des dirigeants angoissés de parler en public. J’ai contacté la seule entreprise qui avait un programme. Mais, son programme, Virtually Better, ne fonctionnant pas sur ordinateur portable, mon idée a été ajournée.

En 2015, j’ai appris l’existence de Psious, à Barcelone, qui produisait alors des environnements RV fonctionnant sur téléphone portable. Le représentant est venu à mon bureau à Long Island, avec une démo à essayer par moi personnellement. Au début, le programme n’a eu aucun effet sur moi. Soudain, j’ai été placé dans un scénario de balcon, et, même sachant que j’étais dans mon bureau, mon cerveau ne m’a pas laissé faire un pas en avant. J’ai réalisé que cette angoisse était déclenchée par une expérience antérieure que j’avais vécue en haut d’un grand immeuble. J’ai compris le mécanisme. Lorsque les gens ont une angoisse liée à un environnement particulier, le thérapeute peut leur montrer un scénario similaire, provoquer le problème et y travailler avec eux. C’est une « thérapie d’exposition ».

J’ai acheté le système et j’ai commencé par le tester pendant des mois sur des volontaires qui n’étaient pas des patients, des amis et des membres de ma famille. Quand j’ai compris comment franchir toutes les étapes, faire passer le patient d’un état d’anxiété au calme, j’ai utilisé le programme sur certains patients.

DS : Quelles sont les étapes de votre thérapie ?
HG : Mon approche thérapeutique comporte plusieurs volets. Au début, j’explique aux gens trois choses principales : comment les pensées affectent le comportement, la physiologie de l’anxiété, comment contrôler l’anxiété. Ensuite, je les mets dans un environnement virtuel. Je commence lentement, dans un environnement relaxant, pour avoir une idée de ce qu’ils peuvent le supporter. Certaines personnes ne peuvent pas tolérer la RV. C’est très rare, mais elles peuvent avoir des antécédents de vertige ou se sentir étourdies la première fois.

Une fois qu’ils ont compris ce que signifie être dans un environnement virtuel, je les déplace dans l’environnement qui leur pose problème. Pour une personne qui a peur en avion, je peux modifier le scénario pour augmenter son anxiété tout au long de son voyage. Cela peut se situer avant de quitter la maison, pendant le trajet en taxi, dans le terminal de l’aéroport, dans l’avion. Je peux changer leur place, modifier la météo, le comportement des autres passagers, la facilité de décollage et d’atterrissage. Nous commençons très simplement et montons selon une progression. Je vais mettre progressivement le patient dans un environnement qu’autrement il éviterait. Je peux placer celui que je soigne dans un avion perturbé, de nuit, dans un orage. S’ils peuvent supporter cela, ils doivent être prêts à partir !

DS : Comment communiquez-vous avec le patient pendant la partie RV de la session ?
HG : Certains disent qu’il ne faut pas parler à un patient lorsqu’il fait l’expérience de la réalité virtuelle, car ce serait l’intrusion d’une voix désincarnée. Je ne suis pas d’accord. J’utilise l’environnement pour travailler avec le patient. Je parle ou je lis, suivant le scénario.

DS : Quel a été l’impact de l’épidémie sur votre clientèle en tant que psychologue ?
HG: J’ai poursuivi ma pratique, au format téléphone, vidéo et RV depuis le 13 mars 2020, date à laquelle le confinement de la Covid-19 a commencé à New York. Je pourrais maintenant voir les patients en face à face, mais ce n’est pas le cas, car les directives de l’American Psychological Association sont trop strictes. Nous devons prendre la température du patient et vérifier deux jours plus tard pour nous assurer qu’il n’est pas malade. De plus, comment se protéger les uns les autres pendant 45 minutes de discussion dans un bureau fermé ? Nous avons acheté des purificateurs d’air et des masques, mais je suis devenu méfiant. Mes patients adultes acceptent les consultations à distance. Mais il est beaucoup plus difficile d’amener les enfants à nous dire ce qui ne va pas. Si je demande comment ils vont, ils répondent qu’ils vont bien. Je dois maintenant obtenir que les parents s’impliquent plus que d’habitude.

DS : Les personnes qui ne socialisent pas beaucoup dans des circonstances ordinaires, est-ce qu’ils s’en tirent mieux maintenant ?
HG: Pour la majorité des gens, la Covid19 a exacerbé le stress, l’anxiété et la dépression. De plus, ils ont perdu les débouchés dont ils disposaient pour réduire leur stress. À l’inverse, pour les patients socialement anxieux qui ne peuvent pas toujours gérer ce que les autres considèrent comme une activité sociale ordinaire, la Covid-19 leur a permis d’éviter les causes de leurs angoisses, car il est désormais normal de rester à la maison et de ne rien faire. Lorsque l’école rouvrira, je crois qu’il y aura plus d’enfants qui connaîtront la « phobie scolaire », ce qui entraînera des problèmes d’absentéisme. Comme les adultes, certains enfants ont un niveau d’anxiété élevé et veulent éviter les situations qui la déclenchent.

DS : Vous avez observé à quel point la thérapie RV est efficace pour les phobies. Quelles sont vos propositions ?
HG: En termes simples, dans les phobies, avec la réalité virtuelle, en sept ou huit séances de 20 à 25 minutes au cours de notre session de 45 minutes, je peux accomplir ce qui prendrait des mois sans la réalité virtuelle. Sans RV, je devrais soit demander aux gens d’utiliser leur imagination pour créer un scénario qu’ils préfèrent éviter ou qu’ils ne peuvent pas visualiser, soit je devrais recréer la situation qui provoque leur anxiété… amener un chien à mon bureau, les faire monter dans un ascenseur ou dans un avion. Je pense que vous voyez ce que je veux dire. La réalité virtuelle est une solution presque idéale. Pour des gens qui ont peur de conduire, je peux leur montrer l’autoroute locale, le Long Island Expressway, avec le trajet complet et réel qu’ils feraient, de l’entrée à la sortie.

Je suis stupéfait qu’il n’y ait pas davantage de thérapeutes qui utilisent la thérapie d’exposition en RV. Je ne comprends pas le débat sur la question de savoir si la RV est remboursable aux Etats-Unis. C’est une thérapie d’exposition. Heureusement, de plus en plus de compagnies d’assurance le comprennent. Quand j’explique comment cela fonctionne, les assureurs remboursent le patient.

L’environnement virtuel nous donne tout ce dont nous avons besoin pour le traitement. C’est un simple bon sens clinique que d’utiliser le moyen le plus rapide pour arriver à quelque chose.

DS : Le localisateur de praticiens de votre site Web est conçu pour aider les thérapeutes à rencontrer d’autres thérapeutes. Pouvez-vous nous en dire plus ?
HG: Puisque je suis connu dans la communauté professionnelle comme un thérapeute qui utilise la RV pour les phobies, d’autres thérapeutes m’envoient un patient, lorsqu’il y a une phobie à traiter rapidement. Pour une peur de voler qui nécessite une résolution urgente, je prendrai quelques séances pour les préparer et les renverrai à leur psychologue lorsque ce sera fait.

Malheureusement, c’est difficile de trouver aux États-Unis des thérapeutes en réalité virtuelle. Il y en a peut-être d’autres, mais je n’en connais personnellement que cinq sur les 2000 psychologues autorisés à Long Island. Très peu d’écoles enseignent la RV et nous ne pouvons pas pratiquer au delà des frontières des États. Avec des correspondants éloignés nous devons donc orienter vers d’autres psychologues qui pratiquent la RV. Le but de mon annuaire, vrttherapists.com est d’aider les praticiens à se trouver et à être en mesure d’établir ces références, ainsi qu’à apprendre les uns des autres. Merci pour votre soutien dans ma quête.


Voir aussi cette vidéo antérieure avec Howard Gurr
https://vrforhealth.com/2020/03/31/psious-testimonial-howard-gurr/